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Le 1er avril 2015 a été publié un pamphlet assez humoristique1, touchant le sujet très grave de la falsification dans la recherche en physique. Il s’est élargi légèrement sur un sujet qui, fondamentalement, fait partie de l’essence de la recherche.

Dans l’article, nommé un peu poétiquement « A Farewell to Falsifiability », les auteurs ont fait en plaisantant la proposition suivante: abandonner le principe de la falsifiabilité dans le développement de la théorie de la physique, comme « certaines des théories les plus manifestement correctes[…] ne font pas de prédictions testables ».

QU’EST-CE QUE FALSIFIABILITE?

La falsifiabilité, ou réfutabilité, pourrait-on dire, est une pierre angulaire de la construction théorique pour de nombreux physiciens : une théorie doit être vérifiable expérimentalement, c’est-à-dire que les affirmations qui ne peuvent pas être réalisées physiquement sont faibles et non compatibles de par leur nature même. Cependant, à mesure que la recherche progresse, des théories plus récentes font des allégations spécifiquement non vérifiables. D’une part, il semble à l’étranger qu’un tel principe va de soi au moins : comment établir la vérité sans pouvoir la vérifier physiquement ? Cependant, il est important de noter que, dans le passé, de nombreuses théories étaient infalsifiables lors de la première proposition — Relativité et Théorie Quantique, entre autres. Finalement, les technologies nécessaires pour tester les revendications ont été découvertes. Ainsi, alors qu’un principe fort lors du développement d’une idée, la falsifiabilité peut bloquer le chemin de la vérité dans certains cas.

 

LE DÉBAT AUTOUR DE LA THÉORIE DES CORDES

Le principal protagoniste de ce débat est la théorie controversée des cordes, qui, si elle est vraie, résout beaucoup des parties les plus délicates non résolues de la physique. Non seulement ses principaux principes sont infalsifiables — certaines conséquences de la théorie ont été testées et prouvées —, mais elle brise aussi une grande partie des qualités traditionnelles attendues d’une théorie forte : elle ne donne pas de résultats reproductibles, et est, sur le plan mathématique, prodigieuse compliqué, ou, comme Scott et al. mot: « La relativité générale n’est manifestement pas simple, et la théorie des cordes est à la gravitation générale, ce qu’une déclaration fiscale est à un simple question oui / non. » De ce point de vue, la théorie des cordes devient plus une croyance qu’une déclaration scientifique réelle. Cependant, comme nous l’avons souligné précédemment, les théories qui ont été dans le passé infalsifiables se sont avérées expérimentalement vérifiables, et en outre, correctes. C’est peut-être le cas pour la théorie des cordes, mais cela peut prendre un certain temps : les longueurs caractéristiques utilisées sont d’environ 10-35 m, tandis que le CERN, sans doute l’une des installations de recherche les plus modernes, est capable de sonder les distances jusqu’à 10-19m. L’ampleur qui sépare les deux est cent millions de fois cent millions, un écart qui va certainement prendre des décennies à combler.

 

SUR LE FIL

Alors que cette danse autour de la théorie des cordes a été une explication scandaleusement simplifiée, l’idée principale demeure: est-il viable de poursuivre des travaux sur des théories qui sont actuellement intestables? Est-il raisonnable d’expliquer à travers ce que nous pourrions appeler à juste titre la spéculation sans fondement? Les chercheurs en physique font face à ce problème, très particulier, et l’idée d’abandonner réellement la falsifiabilité a été proposée à plusieurs reprises d’une manière très sérieuse: par exemple, Sean Carroll, dans un billet de blog intitulé « Beyond Falsafiability », fait valoir que la falsifiabilité n’a jamais été un critère pertinent pour faire la distinction entre la science et la non-science, et qu’il faut considérer la confiance que nous accordons à la recherche scientifique avec plus d’honnêteté, plutôt que d’appliquer une clause de guillotine universelle.

La science, depuis ses premiers développements jusqu’aux dernières percées, a toujours été enveloppée de conviction : les nombreux facteurs et discriminateurs que nous utilisons pour rationaliser les théories peuvent finalement être écartés, car tout le processus d’apprentissage en lui-même évolue. Il va montrer que, comme les théories sont prouvées fausses et rejetées, notre interprétation de la connaissance est au moins autant à débattre.

1. Scott, Douglas et coll. « A Farewell to Falsifiability. » arXiv preprint arXiv:1504.00108 (2015).